97.
Ari arriva, les chaussures trempées, au pied de son immeuble de la rue de la Roquette.
Pendant le trajet, il avait retourné mille fois les questions dans sa tête. Mais il le savait : il n’y avait qu’une seule explication possible. Une seule hypothèse. Une nouvelle fois, il suffisait de s’en tenir au rasoir d’Ockham.
Le Docteur était derrière tout ça.
Tout le monde, dans cette histoire, avait été manipulé. La loge Villard de Honnecourt, le Vril, Mancel, la DIPJ, lui-même. Tous.
D’une façon ou d’une autre, ce curieux anonyme était parvenu à s’infiltrer dans les plus hautes sphères de l’État pour récupérer l’affaire. Et suffisamment haut pour que la DRM et sans doute les ministres de l’Intérieur et de la Défense fissent classer le dossier Secret Défense. Le secret resterait à jamais scellé. Fin de non-recevoir.
À présent, un seul homme connaissait le véritable mystère de Villard de Honnecourt. Et cet homme n’avait pas de nom.
Debout devant le porche de son immeuble, Ari se fit la promesse solennelle qu’un jour il le trouverait. Qu’il découvrirait son nom. Et son secret.
Il leva la tête vers la plaque commémorative de Paul Verlaine. Un frisson le parcourut. Les trottoirs blancs avaient quelque chose d’irréel et les flocons qui voltigeaient encore dans le cœur de la nuit semblaient ralentir le temps.
Il plongea la main dans son jean, poussa la porte et monta l’escalier de lino rouge.
Tout avait commencé ici. Il se voyait encore dévaler ces marches, le matin où Paul l’avait appelé. Sa gorge se noua. Il grimpa vers son palier, sortit ses clefs et entra dans son vieil appartement. Un coup d’œil vers le répondeur. La diode ne clignotait pas. Aucun message.
Il enleva son trench-coat noir, le jeta sur le portemanteau et se dirigea vers le salon. Arrivé sur le seuil, il sursauta en voyant la silhouette sur son canapé.
Il porta la main à son cœur, le souffle coupé. Puis son visage se détendit lentement. Il avala sa salive. Lola. La libraire était là, assise au milieu de la pièce. Et elle le regardait fixement, de ses grands yeux tristes.
— Tu… Tu m’as fait peur, balbutia-t-il en s’avançant vers elle.
— J’ai toujours les clefs de ton appartement, Ari.
Il s’arrêta à quelques pas de la jeune femme. Son cœur battait à tout rompre. Il mourait d’envie de la prendre dans ses bras. Mais il n’osait pas.
Elle s’approcha de lui d’un pas hésitant, mal à l’aise elle aussi. Elle amena sa main sur le front d’Ari et le caressa tendrement.
— Tu es blessé, murmura-t-elle de sa voix cassée.
Mackenzie inclina légèrement la tête.
— Oui. Mais ce n’est rien.
Lola laissa retomber sa main.
— Je…
Elle s’arrêta, comme si elle ne pouvait trouver les mots justes. Ari fit un pas en avant et prit la main de la jeune femme entre les siennes.
— Je suis désolé, Lola. Je suis tellement désolé. Pour tout.
— Tu m’as manqué, Ari.
N’y tenant plus, il remonta ses mains vers ses épaules et la serra contre lui. Elle passa ses bras dans son dos et le serra à son tour, plus fort encore. Ils restèrent un long moment l’un contre l’autre, sans parler, sans bouger. Ari se laissa enivrer par ce moment qu’il avait tant attendu. Son esprit se vida entièrement de tout ce qui l’avait envahi jusqu’alors et il s’abandonna tout entier à cet instant.
Tout doucement, il approcha sa bouche du cou de la jeune femme. Il savoura, les yeux fermés, le parfum de Lola. Puis il pencha la tête et susurra à son oreille le plus sincère et le plus tendre des « Je t’aime ».
Parce qu’il n’y avait rien d’autre à dire.
Parce que tout se résumait à ça.
Je t’aime, Lola.
À SUIVRE…